De la prestation de services

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Des risques du contrat de prestation de services. Faire appel à des prestataires exerçant sous un statut d’indépendant est commun dans le secteur du livre. Il convient toutefois d'en respecter les modalités, autrement cette collaboration peut conduire à la requalification de la collaboration en contrat de travail.

De nombreuses organisations (associations ou entreprises commerciales) font appel à des prestataires de services externes exerçant sous un statut d’indépendant (autoentrepreneur, EURL, etc.) à qui elles confient certaines missions ou travaux internes, contre rémunération. Typiquement ces personnes se verront confier des missions de recherches de partenariat ou de subventions, d’animations ponctuelles, de gestion de projet. Par principe, cette opération est tout à fait licite.

Toutefois, il arrive fréquemment que le prestataire extérieur soit intégré dans l’équipe de salariés et y travaille dans les mêmes conditions, de sorte que la distinction entre salarié et travailleur indépendant se fait de plus en plus difficilement.

Cette situation présente un risque en ce qu’elle peut conduire à la requalification de la collaboration en contrat de travail.

Tel sera notamment le cas quand le collaborateur pourra démontrer :

  • Qu’il ne dispose d’aucune autonomie et que la société lui donne des ordres et des directives sur la manière d’exécuter ses fonctions,

  • Qu’il n’a aucun pouvoir de décision relatif à la manière d’exécuter ses missions,

  • Que l’exercice des fonctions fait l’objet d’un contrôle,

  • Qu’il a fait l’objet de sanction en cas de mauvaise exécution de ses missions.

Pour requalifier un contrat de prestation de services en contrat de travail, le juge va rechercher si certains éléments sont réunis, en se basant sur un faisceau d’indices. Seront ainsi considérées comme illicites les opérations :

  • Dont la rémunération est assurée, quelles que soientt les conditions de déroulement du contrat (même en cas de retard),

  • Dont la rémunération est fixée en fonction du temps passé, et pour lesquelles la facturation est établie en fin de contrat après la réalisation de la prestation,

  • Effectuées par un prestataire ne disposant d’aucun savoir-faire spécifique distinct de celui de l’entreprise utilisatrice et qui ne met en œuvre aucune technique qui lui soit propre,

  • Effectuées dans le cadre d’un lien de subordination avec l’entreprise utilisatrice,

  • Effectuées par un prestataire intégré au personnel de l’entreprise utilisatrice (mêmes conditions de travail, mêmes horaires, obligations de pointer à l’arrivée et au départ…),

  • Effectuées exclusivement avec le matériel fourni par l’entreprise utilisatrice.

Au contraire, sera considérée comme licite l’opération dont l’objet est la réalisation d’une prestation déterminée, spécifique et distincte de l’activité normale de l’entreprise utilisatrice, lorsque le contrat conclu entre les parties comporte des clauses contraignantes pour le sous-traitant (obligation de résultat, pénalités en cas de retard, de qualité défectueuse, préalablement déterminées...) et fait l’objet d’une rémunération forfaitaire basée sur le résultat de l’opération et non le nombre d’heures effectuées. Le prestataire doit effectuer son activité en toute autonomie et avec son propre matériel.

En cas de requalification de la collaboration en contrat de travail, le prestataire de services, considéré comme salarié, peut prétendre au versement :

  • De dommages-intérêts pour licenciement abusif si la société mettait un terme à la collaboration sans avoir justifié par écrit d’une cause réelle et sérieuse de licenciement (le montant de ces dommages-intérêts dépendrait alors de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise),

  • D’un rappel de salaire sur une base de 35 heures par semaine si la société n’est pas en mesure de démontrer avec précision les horaires du salarié (dans la limite de 3 ans),

  • Des heures supplémentaires (et majorations afférentes) qui auraient éventuellement été réalisées au cours des 3 dernières années,

  • D’une indemnité forfaitaire de six mois de salaire pour travail dissimulé,

  • De dommages-intérêts si le salarié est en mesure de démontrer un préjudice distinct de celui de la perte de son emploi.

L’employeur s’expose par ailleurs à un redressement URSSAF au titre des contributions sociales non versées, ou à une condamnation pour travail dissimulé.

Pour limiter le risque, il convient d’éviter de :

  • Envoyer des emails ou autres documents écrits donnant des ordres et directives aux travailleurs indépendants,

  • Contrôler le temps de travail des travailleurs indépendants, leur fixer un emploi du temps, des horaires,

  • Demander aux travailleurs indépendants de solliciter une autorisation de congés,

  • Sanctionner les manquements éventuels des travailleurs indépendants en dehors des cas expressément prévus par le contrat de prestation de services,

  • Mettre à la disposition des travailleurs indépendants une carte professionnelle comportant le logo de la société et leur permettre de se présenter comme des salariés de celle-ci.

© Albane Lafanechère et Véronique Massot-Pellet, avocats, juin 2018, pour Auvergne-Rhône-Alpes Livre et Lecture.

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