Hubert Mingarelli : un art vivant

Alors qu'on se prépare à explorer le présent des littératures et à arpenter les chemins de la transmission d'un art bel et bien vivant aux Rencontres nationales du PREAC, nous avons plus qu'une pensée pour l'écrivain Hubert Mingarelli, mort le 26 janvier à l'âge de 64 ans. L'auteur de Quatre soldats, prix Medicis 2003, n'avait pas pu être avec nous en septembre dernier pour évoquer La Terre invisible, son dernier livre paru chez Buchet Chastel. Dans ce roman, véritable traversée du silence, l'écrivain montre en peu de mots comment la rencontre de la douleur soude les êtres plus solidement que la joie.
"Et, cette nuit, tu as le droit d'être le roi du ciel et des lumières pâles, et quand la pluie tombe comme la mer, chez toi, roule prudemment et le soir dors, McFee, dors, écoute la pluie et essaie de faire de beaux rêves. Dors et ne pense plus aux nuits effrayantes."

Hommage à Hubert Mingarelli, par Danielle Maurel

"Hubert Mingarelli nous a quittés et notre chagrin est immense.
Il reste aujourd'hui ses livres. Il reste le souvenir de discrètes et pénétrantes rencontres, d'où jaillissent la malice d'un sourire, un regard franc et des constellations de silence. Il reste à arpenter encore et toujours le sillon qu'il a creusé, cette glaise humaine pétrie avec des mots simples.
De livre en livre, nombre de ses textes disent la souffrance, la solitude et la guerre. Ils disent un monde que semble abandonner la lumière, pauvre bateau fantôme à la merci de toutes les tempêtes. Ils racontent l'épuisement, l'exil, la bassesse, les mauvais choix, l'absurde. Mais au milieu de la nuit toujours un feu brûle. Et toujours, à l'aube, un chemin conduit à la source. Ou bien un voyage s'achève dans un murmure fraternel. Dans des histoires souvent sans mots, les gestes de fraternité allument parfois une lumière à faire reculer la haine ou la peur.
Mais la lumière est ténue, l'espérance fragile, le cœur si précaire. C'est pourquoi les livres d'Hubert Mingarelli n'élèvent jamais la voix. Ils prennent en silence par la main, guident à travers les ellipses vers une singulère contrée. Et sans doute, là-bas au détour d'un chemin, et pour toujours, un homme se roule une cigarette et nous regarde avec bonté."

Danielle Maurel