À Marc, 15 juin 2017
Marc aimait les livres, les gens du livre, et les gens du livre l’aimaient. C’est facile d’aimer quelqu’un d’aussi partageur, d’aussi gourmand en bonnes phrases et en bons moments, quelqu’un de bien et de bienveillant. « Une discrétion généreuse », c’est l’expression que je retiens lorsque je pense à Marc et au rôle qu’il a joué au sein de ce petit monde du livre et au sein de l’agence que je représente et à laquelle il a été d’une grande fidélité. Nous aussi. Il manque déjà à toute l’équipe, à tous les membres du conseil d’administration, auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, organisateurs de festivals. Tous appréciaient en lui le poète et le traducteur, bien sûr, et toute cette littérature qu’il nous a fait découvrir, mais surtout l’homme positif et sincère, celui sur qui on sait compter, y compris dans les moments difficiles. Et l’on a pu compter sur lui ces dernières années, lui qui nous a rejoints dans un moment où il fallait un peu de courage et de volonté pour le faire, lui qui croyait au dialogue, à la compréhension des uns et des autres dans la singularité des différents métiers du livre. On se disait c’est normal qu’il comprenne, Marc, c’est un traducteur, il a l’habitude des cultures différentes, des mots qu’on prend pour d’autres, des hésitations que l’on a avant de trouver la bonne formule. La bonne formule, il l’avait souvent pour résumer quelque débat administratif ou discussion houleuse entre un libraire et un éditeur… Un bon mot et, avec lui, tout le monde du livre se portait un peu mieux ! Poète, traducteur, lui aussi avait deux ciels entre ses mains. Il nous laisse une magnifique descendance, un fils de Bakounine, dont il aurait pu être le père, et dans l’inventaire des choses certaines, un grand vide derrière lui, en version bilingue. Le prochain conseil d’administration de l’Arald se fera sans Marc et nous sommes très tristes d’avoir perdu cet écrivain qui aimait la Sardaigne, ce poète qui aimait les autres.
Laurent Bonzon
Repères
Né en 1953 en Tunisie d’un père sarde et d’une mère sicilienne, Marc Porcu a eu plusieurs vies artistiques, toutes marquées du sceau de la rencontre. Poète, il publia son premier texte, Mémoires de l’exil dès 1984, dans la maison d’édition et revue Les Cahiers de poésie-rencontres, dont il fut aussi le responsable. Il publia par la suite beaucoup de poèmes dans des revues comme Le Journal des poètes, L’Arbre à paroles, La Bartavelle, Verso, Aube Magazine, Bacchanales, I Rouge, Parterre verbal), et en Italie, Salpare, Arte Stampa, Sud… Il fut de beaucoup d’aventures littéraires ou engagées et publia ses textes dans de nombreux ouvrages collectifs. Pour lui qui avait été éducateur spécialisé, les douleurs de l’exil et de l’enfance ont été des thèmes prégnants de son œuvre poétique, portée par une écriture ouverte à chacun, avec sa part d’ombre et de retenue. Une poésie qu’il aimait « performer » dans des lectures musicales, notamment avec le compositeur et instrumentiste Louis Sclavis. Dès les années 90, il eut à cœur de traduire et d’être passeur de poésie, d’abord pour Poésie Rencontres (Un Amour, de Bruno Rombi), puis, très vite, il devint le traducteur de Sergio Atzeni et de plusieurs auteurs sardes et siciliens, notamment pour La Fosse aux Ours, mais aussi Phébus et Actes Sud. Son œuvre poétique fut couronné en 1991 par le prix Europea de poésie, à Pise, et son œuvre de traducteur reçut le prix littéraire des jeunes Européens.
Philippe Camand