On est parti, on était 18 en tout. Enfin, on s’est retrouvé, plutôt. Car on arrivait de toute part. De la France. On était jeune, léger et plein d’enthousiasme. On avait un peu peur aussi du lendemain, des rendez-vous, pour les auteurs-illustrateurs, de se perdre et de ne pas savoir les accompagner, pour les parrains et les marraines. On est arrivé dans un hôtel charmant et on nous a distribué un petit livre jaune intitulé « Un voyage à Bologne », avec des images de chaque jeune illustrateur et une présentation de leur travail, une sorte de bible à diffuser au plus grand nombre dans les jours à venir. On nous a encouragés à être prosélytes et on a été d’accord...
La suite n’est qu’une succession de découvertes et de moments de joie : des bus à prendre, des itinéraires à vérifier, un salon à arpenter, des stands à trouver, des books à montrer, des dessins à argumenter, des remarques à entendre, des japonais à comprendre, des expos à voir, des vernissages en veux-tu en voilà, des restaurants improbables, des librairies ouvertes et fermées, des places immenses, des marchés achalandés, des bars et des cafés. Des nuits courtes. Des journées longues. Le Spritz et le Cynar. Bologne. Les lauréats furent courageux, les marraines se montrèrent endurantes.
Pour ma part, je fus victime d’un échange récurrent qui me laisse encore perplexe sur mon identité et mes choix de vie :
«Bonjour, tu es illustratrice ?
Non, je suis libraire.
Ha ! (blanc). A Paris ? (inflexion montante, espoir).
Non. A Grenoble.
Ha ! Au revoir.
Au revoir.»
Début avril, Bologne est bien la ville des illustratrices. Mais il a fallu rentrer. Il faut bien rentrer un jour. Le groupe s’est séparé, selon les destinations, les heures des vols retours. Delphine était triste, Matthieu m'a répondu : « C’est bien terminé. Nous attendons l’embarquement. Nous pleurons beaucoup ». On est rentré. On était toujours aussi nombreux, mais à l’intérieur, on n’était plus que la moitié de nous-mêmes. Alors ça faisait moins, forcément.
Sinon : Nous parlons bien ici de la 5e édition du « Voyage professionnel à la Foire du livre jeunesse de Bologne », dont l’objectif est de permettre à de jeunes auteurs-illustrateurs de rencontrer des éditeurs (français et étrangers), de développer leur réseau international, et, plus largement de s’exercer à présenter et à promouvoir leur travail. Ce voyage a été inauguré en 2012, à l’initiative de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse et du MOTif, puis s'est étoffé en 2014, avec deux nouveaux partenaires : l’Arald et l’ARL Paca, puis en 2016 avec ECLA Aquitaine. Un projet soutenu par la Sofia et le CFC.
La première étape est un appel à candidatures lancé au niveau national en octobre aux jeunes auteurs-illustrateurs ayant publié au moins un livre (et pas plus de dix), l’âge n’étant pas un critère. La Charte se charge de la réception et de la validation des dossiers afin qu’ils soient complets et respectent les critères. Le jury, composé de 4 parrains, 3 professionnels du livre ainsi que 3 représentants des Structures régionales du livre partenaires, se réunit en novembre afin d’élire les heureux lauréats. La présentation officielle et en grande pompe a lieu traditionnellement et symboliquement au Salon de Montreuil début décembre.
Pour le voyage de Bologne 2017, les lauréats étaient : Roxane Bee, Julien Billaudeau, Julie Brouant, Matthieu Chiara, Charline Collette, Bastien Contraire, Julie Escoriza, Amélie Fontaine, Clémence Itssaga, Alice Meteignier, Marina Sauty et Lucie Watts. (A noter que Roxane Bee et Lucy Watts vivent en Auvergne-Rhône-Alpes). Les parrains et professionnels aident ensuite les auteurs-illustrateurs à composer leurs books et à travailler leurs dossiers de présentation afin qu’ils soient prêts pour le grand voyage ! Ce moment permet aussi de faire connaissance en amont du voyage et de présenter les enjeux de ce salon ainsi que les rendez-vous prévus par les parrains et marraines.
La Charte, notamment Géraldine Alibeu et Edgar-Scott Dupont, déploient ensuite leurs qualités de gentils organisateurs ("au poil" sur la logistique, rassurants pour les auteurs, impressionnés à l’approche du départ. Une nouvelle équipe de « pros » accompagnateurs est composée chaque année. En 2017, ce fut : Delphine Perret la grande, Régis Lejonc, le très grand (mais on ne l’a finalement pas vu), Chamo, parce que c’est elle, et Géraldine Alibeu, car on ne peut envisager de penser à Bologne sans elle et c’est tant mieux. Trois libraires sont aussi de l’aventure : Juliette Schwarczer et Sylvie Maunoury de la librairie Libellule et Coccinelle à Paris (laquelle est la libellule ? laquelle est la coccinelle ? nous ne saurons jamais), et moi-même, Gaëlle Partouche, de la librairie Les Modernes à Grenoble.
La Foire du Livre de jeunesse de Bologne a eu lieu cette année du 3 au 6 avril et les RDV avec les éditeurs et directeurs artisitques étrangers ou francophones ont eu lieu le premier jour. Les lauréats ont eu ensuite quartier libre mais studieux, et c’est souvent là que tout commence…
Gaëlle Partouche, Les Modernes (Grenoble)