De la distribution, les points-clés du contrat

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Responsable de la logistique, de la gestion des stocks comme des flux financiers, le distributeur est l'intermédiaire de l'éditeur auprès des points de vente. Quelques points de vigilance et de négociation pour ce contrat fondamental pour les maisons d'édition.

Maillon essentiel de la chaîne du livre, la distribution recouvre les tâches liées à la circulation matérielle du livre et aux flux financiers afférents. Elle est souvent associée à l’activité de diffusion, qui désigne les opérations commerciales et marketing mises en œuvre dans les différents réseaux de vente. Le distributeur est l'intermédiaire entre l’éditeur et les points de vente qui vont commercialiser ses publications : librairies indépendantes, grandes surfaces spécialisées, grandes surfaces culturelles, etc.
Une bonne distribution du livre, de même qu’une bonne diffusion, sont essentielles pour assurer la visibilité du catalogue auprès des points de vente et la disponibilité des titres, et ainsi répondre à l'obligation légale de l'éditeur d’assurer « une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale » du livre édité, que ce soit sous une forme imprimée ou numérique, conformément aux usages de la profession.

Quelques points-clés et points de vigilance pour cet accord qui impacte de façon fondamentale l'activité des maisons d'édition.

Missions du distributeur

  • Stockage des ouvrages,
  • Réception et du traitement administratif des commandes,
  • Préparation et expédition des commandes vers les points de vente,
  • Gestion des retours : réception, tri, réintégration dans le stock ou mise au pilon,
  • Gestion des flux financiers : facturation, gestion des encaissements et recouvrement.

Encadrement légal et contractuel des conventions de distribution

À l’inverse du contrat d’édition, la loi ne traite pas du contrat de distribution, même si la loi Lang de 1981 comporte des dispositions indirectement liées, et notamment l’obligation pour tout détaillant d’offrir le service gratuit de commande à l'unité. Le contrat de distribution est donc un contrat commercial qui devrait en principe pouvoir être librement négocié.
Cependant, lorsqu’un éditeur est en discussion pour la conclusion d’un contrat de distribution, il se voit le plus souvent proposer un modèle de contrat qu’on lui présente comme non ou peu négociable. Un contrat qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties, est qualifié par la loi de contrat d’adhésion. Dans un tel contrat d’adhésion, une clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties n’est pas valable. De plus, en cas de doute sur l’interprétation des clauses du contrat, le contrat d’adhésion s’interprétera contre celui qui l’a proposé.
Par conséquent, un éditeur n’est pas sans recours dans le cas où il aurait signé les yeux fermés le contrat de distribution proposé par le distributeur.
Néanmoins, étant donné l’enjeu de la distribution pour l’éditeur, il est fortement conseillé de prendre le temps de lire le contrat et de poser toute question utile dans le cas où certaines dispositions ne seraient pas claires, de manière à bien comprendre toutes les conséquences qu’emportent les clauses du contrat, d’un point de vue financier notamment, et de pouvoir les discuter.
Seul l’éditeur qui dispose d’une bonne compréhension des enjeux du contrat pourra en effet en négocier efficacement les termes.

Programme éditorial, nouveautés et stock

Information du distributeur et conditions d’envoi des nouveautés

L’éditeur est tenu de fournir au distributeur des informations sur son programme éditorial : liste des titres, calendrier, rythme de parution. Les quantités d’exemplaires de chaque nouveauté nécessaires à la distribution devraient être déterminées d’un commun accord entre les parties. Le tirage restera toutefois du ressort de l'éditeur qui doit maîtriser son programme de publication comme ses tirages.
Le contrat peut contenir une clause par laquelle le distributeur se réserve le droit de n’accepter dans ses entrepôts que la quantité de livres nécessaires à la mise en place et au réassort d’une nouveauté, quel que soit le tirage du titre, ce qui peut poser des difficultés de réassort par les libraires si le distributeur évalue incorrectement le succès du titre.

L'office

Pour diminuer ses coûts, le distributeur procède à des envois groupés de nouveautés auprès des points de vente. En moyenne, il y a quatre offices par mois, exception faite de juillet, août et décembre, qui rassemblent les nouveautés de l’ensemble des éditeurs distribués.
L’éditeur adapte donc son calendrier à celui du distributeur, tout envoi de nouveautés en dehors de l’office représentant un coût supplémentaire.
Le contrat devrait par conséquent contenir une clause obligeant le distributeur à transmettre périodiquement à l’éditeur le calendrier des offices et la date limite à laquelle les ouvrages doivent parvenir en stock.

Acheminement du stock vers l’entrepôt du distributeur

L’acheminement est à la charge de l’éditeur. Un bon de livraison comportant la quantité et le détail des ouvrages livrés doit être remis au distributeur pour justifier du contenu du stock. La quantité de stock déposée chez le distributeur doit permettre de couvrir les ventes pour une durée déterminée dans le contrat, généralement un ou deux mois. Pour ne pas encombrer ses entrepôts, le distributeur prévoira généralement un montant maximal de stock au-delà duquel l’éditeur sera tenu de reprendre les ouvrages en surplus ou de payer la prestation de stockage.
Il est recommandé de définir dans le contrat les conditions de réapprovisionnement (fréquence) dont le coût reste à la charge de l’éditeur.

Propriété du stock

Il est généralement prévu que l’éditeur demeure propriétaire du stock. Le distributeur en est de son côté dépositaire, et dispose d’un mandat de le vendre au nom et pour le compte de l’éditeur. Ceci entraîne plusieurs conséquences :

  • L’éditeur est tenu de prendre une assurance couvrant tout ou partie des risques de perte du stock (vol, incendie, dégât des eaux…) et dans certains cas il lui est demandé de renoncer à tout recours contre le distributeur et ses propres assureurs. L’éditeur devra donc se rapprocher de son assureur pour connaître le coût et les conditions d’une telle assurance ;
  • Le distributeur devrait s’obliger à prendre toutes les précautions nécessaires pour maintenir le stock en bon état ;
  • L’éditeur demeurant propriétaire, il a l’avantage de pouvoir reprendre son stock en cas de procédure collective ouverte à l’encontre du distributeur (redressement ou liquidation judiciaire), en exerçant une action en revendication entre les mains des organes de la procédure dans un délai de 3 mois,
  • Le moment du transfert de propriété au profit du libraire doit être clairement défini dans le contrat, afin d’éviter toute contestation en cas de sinistre ou de procédure collective.

Exclusivité de la distribution

Le distributeur exige habituellement l’exclusivité de la distribution, pour ne pas se retrouver en concurrence avec d’autres structures ou l’éditeur lui-même. L’étendue de cette exclusivité doit être précisément déterminée, quant au territoire (France métropolitaine, DOM TOM, pays étrangers francophones) et quant aux réseaux de distribution (librairies, grandes surfaces spécialisées, bibliothèques, etc.). Certains modes de commercialisation peuvent toutefois être réservés à l’éditeur : vente en ligne sur le site internet de l’éditeur, vente directe sur des foires et salons.

Confidentialité

De par son activité, le distributeur est amené à connaître des informations cruciales sur le programme éditorial et sur les ventes, le succès ou l’insuccès d’un titre de l’éditeur, informations qu’il pourrait être tenté de partager avec d’autres éditeurs du groupe auquel il appartient, concurrents de l’éditeur distribué. Il est souhaitable qu’une clause de confidentialité soit introduite dans le contrat.

Conditions financières du contrat

La commission

Alors que dans les autres secteurs, le distributeur achète les produits au producteur et se rémunère par la marge réalisée au moment de la revente, la situation est différente dans le secteur du livre du fait du prix unique du livre, fixé par l’éditeur. Ainsi, le distributeur dispose d’un mandat lui permettant de vendre les ouvrages pour le compte de l’éditeur. Le prix de l’ouvrage est ensuite reversé à l’éditeur, déduction faite d’une commission calculée sur le prix public hors taxes du livre (PPHT), parfois improprement dénommée « remise » dans les contrats.
De son côté le distributeur applique vis-à-vis des points de vente ses propres taux de remise et ses conditions de retour. Les conditions de calcul du montant de la commission doivent être soigneusement étudiées.
La commission est généralement calculée sur le montant des ventes nettes, retours déduits (« flux retour »). Il est alors simple pour l’éditeur de calculer l’impact du coût de la distribution sur le prix de revient de ses ouvrages.
La commission peut être calculée sur le nombre d’exemplaires mis en place ou réassortis (« flux aller »), dans une limite de retours généralement fixée à 30%. Elle est dans ce cas plus faible, car assise sur une somme plus importante. Il faut prendre garde toutefois au système de pénalités en cas de retours supérieurs à 30%, qui peuvent considérablement alourdir le montant de la commission.

Les frais annexes

Outre les coûts d’approvisionnement, d’assurance ou d’excédent de stock, l'éditeur doit être attentif au coût des prestations de tri et de remise en stock des ouvrages retournés, ainsi qu’au coût de retour ou de pilonnage des ouvrages abîmés ou défraîchis.
Ces prestations sont tantôt facturées à l’heure, tantôt par ouvrage concerné et leur montant dépend alors du format de l’ouvrage. Le contrat comporte parfois une clause permettant au distributeur de réviser ses prix – il s’agit parfois de la simple mention « les prix sont susceptibles d’évolution ». Cette clause doit dans la mesure du possible être encadrée : date de la révision, plafond d’augmentation.
Le montant de la commission apparaît généralement comme l’enjeu le plus important du contrat, il convient cependant de maîtriser les frais annexes qui peuvent rapidement s’avérer élevés. Tel est le cas en particulier, en cas de mévente, du coût du traitement et du reconditionnement des exemplaires retournés, quand il est proportionnel au nombre d’exemplaires. L’éditeur a donc tout intérêt à se mettre d’accord avec le distributeur sur une limite au-delà de laquelle les exemplaires retournés devraient être stockés en vrac sans retraitement dans l’attente de leur reprise par l’éditeur.

Les conditions de règlement

Le distributeur est tenu d’adresser tous les mois à l’éditeur un relevé des ventes de titres et des retours. Un état des stocks devrait également être fourni à cette occasion par le distributeur. À la suite de cela l’éditeur émettra une facture, ou sera tenu d’émettre un avoir si les retours sont supérieurs aux ventes. L’éditeur sera attentif aux conditions de règlement prévues au contrat qui impactent directement sa trésorerie. Il est en effet généralement prévu que l’avoir doit être payé par l’éditeur sans pouvoir être compensé avec les factures des mois suivants. Le distributeur facturera de son côté périodiquement à l’éditeur les frais annexes de tri, de stockage, etc. Les conditions de cette facturation doivent être prévues au contrat. Le délai de règlement des factures par le distributeur doit être conforme aux obligations légales, à savoir au maximum 60 jours à compter de la date d’émission de la facture ou 45 jours fin de mois.

Durée et fin du contrat.

Durée

Le contrat de distribution est généralement conclu pour une période d'un ou deux ans reconductible et chaque partie peut y mettre fin en respectant un préavis de quelques mois expirant à la fin de la période en cours.
Il est donc impératif de disposer d’un contrat signé et daté afin d’éviter toute contestation sur les modalités de fin du contrat. Même s’il n’est pas toujours évident, au moment de la signature d’un contrat, d’évoquer la fin de celui-ci, les clauses relatives aux conséquences de la fin du contrat doivent être examinées soigneusement, et notamment :

  • Les conditions de reprise des stocks par l’éditeur : délais de reprise à compter de la fin du contrat, frais éventuels ;
  • Les conditions de retour : durée pendant laquelle le distributeur s’engage à reprendre les retours et à les rembourser, nature de la provision ou garantie pour retours.

Provision ou garantie pour retours

La clause de provision, ou garantie pour retour, permet au distributeur de s’assurer du règlement des retours enregistrés après la fin du contrat.
Cette clause peut poser des difficultés financières à l’éditeur, au point parfois de le dissuader de mettre fin au contrat de distribution, et de prolonger une collaboration qui dessert son catalogue comme ses nouveautés.

Plusieurs mécanismes de garanties sont possibles :

  • Paiement par l’éditeur d’une somme forfaitaire en début de contrat : l’inconvénient de cette pratique est d’immobiliser de la trésorerie. Il est donc utile de prévoir un paiement échelonné réalisé par un prélèvement sur les sommes dues à l’éditeur, sur les premiers mois du contrat ; cette provision sera rémunérée par le paiement d’un intérêt.
  • Compensation de créances : le distributeur se réserve le droit de déduire le montant des sommes payées au titre des retours des sommes dues à l’éditeur ;
  • Provision demandée au moment de la rupture du contrat : au moment où l’éditeur annonce son souhait de mettre fin au contrat, le distributeur exige le paiement d’une provision pour retours égale au montant des retours enregistrés l’année précédente, calculée sur la durée du préavis. Cette méthode est très désavantageuse pour l’éditeur puisque le taux de retours enregistrés par un distributeur après la fin du contrat est en réalité bien plus faible.
    Si le contrat ne stipule aucune provision pour retour, le distributeur n’aura aucune légitimité à réclamer cette provision. Si en revanche le contrat contient des dispositions à cet égard, il est essentiel que l’éditeur en négocie le mode de calcul, en demandant par exemple que le montant soit limité à un pourcentage des retours enregistrés l’année précédente. L'éditeur doit aussi anticiper la date de fin de contrat afin de porter la provision sur les mois qui ont enregistré le moins de retours.
    Les conditions de remboursement de la provision doivent aussi être prévues.

Le volet distribution est déterminant pour l’activité de l’éditeur, il convient donc d'en maîtriser les contours et de bien négocier les clauses du contrat, notamment celles relatives aux frais annexes aonsi qu'à la résiliation.

Structuration de la distribution en France

Contrairement à d’autres pays, les structures de distribution sont généralement intégrées dans les grands groupes d’édition en France : Hachette Distribution pour Hachette Livre, Interforum pour Editis, Sodis et Union Distribution pour Madrigall, MDS pour Média-Participations, Dilisco pour Magnard-Vuibert, etc. Face à ces distributeurs qui assurent la distribution des catalogues du groupe et celle d’éditeurs tiers, et qui représentent plus de 50 % de l'activité du secteur, on trouve également des structures de taille moyenne, qui ne sont pas directement liées à des maisons d’édition, telles que Harmonia Mundi, Makassar, Pollen, La Générale Librest, etc. Livres Hebdo publie un répertoire annuel qui référence les distributeurs et diffuseurs français et étrangers, disponible en librairie sur commande.

© Albane Lafanechère, avocat, juin 2019, pour Auvergne-Rhône-Alpes Livre et Lecture.

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